Haïti en guerre contre les gangs : le gouvernement fait appel à un groupe paramilitaire
- Marvens Pierre
- il y a 16 minutes
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Alors que Port-au-Prince est au bord de l’effondrement face à des gangs de plus en plus puissants, le gouvernement haïtien a signé un contrat controversé avec Erik Prince, ancien fondateur de Blackwater et proche de Donald Trump, pour l'aider à reprendre le contrôle du pays. L'info a été révélée dans un article du quotidien américain, New York Times, publié le 28 mai 2025.
Face à la terreur des gangs, Haïti cherche des solutions radicales.
Erik Prince, entrepreneur militaire privé américain et fondateur de la société Blackwater – tristement célèbre pour le massacre de civils en Irak en 2007 – est désormais l’un des hommes au cœur de la stratégie sécuritaire haïtienne. Selon le New York Times, Prince a été discrètement engagé par les autorités haïtiennes pour former et armer une force chargée d’éliminer les chefs de gangs à l’aide de drones.
Depuis mars, des drones opèrent à Port-au-Prince, bien qu’aucune arrestation ou exécution ciblée n’ait été officiellement confirmée. Le plan prévoit aussi l’envoi de 150 mercenaires étrangers, principalement des Haïtiano-Américains, et l’arrivée de cargaisons d’armes supplémentaires.
Une réponse extrême à une crise hors de contrôle
Cette opération s’inscrit dans un contexte d’effondrement total de l’ordre public. La capitale haïtienne est en grande partie aux mains de gangs armés qui attaquent des commissariats, incendient des hôpitaux et contrôlent des quartiers entiers. Plus d’un million de personnes ont été déplacées, et le gouvernement, affaibli depuis l’assassinat du président Jovenel Moïse en 2021, semble dépassé.
L’appel aux mercenaires d’Erik Prince, qui a aussi envoyé des troupes privées dans d'autres pays comme l’Afghanistan ou la Libye, marque une nouvelle étape controversée. À ce jour, le gouvernement n’a pas précisé le coût du contrat ni les détails du mandat confié à Prince. Les États-Unis, qui soutiennent officiellement la Police nationale haïtienne, ont affirmé ne pas financer ces opérations.
Un entrepreneur au passé sulfureux
Erik Prince est loin d’être un inconnu. Proche de l’ancien président Trump, frère de Betsy DeVos (ex-secrétaire à l’Éducation), il a longtemps navigué entre les conflits internationaux et les affaires politiques. Il a déjà été accusé d’avoir violé des embargos sur les armes et d’avoir menti au Congrès américain. Ses détracteurs dénoncent ses méthodes opaques et sa volonté de privatiser les guerres.
Aujourd’hui, ses ambitions en Haïti ne se limitent pas à la sécurité. Selon des sources proches du dossier, Prince envisagerait d’élargir son influence aux douanes, à la collecte des impôts et au transport, des secteurs cruciaux dans un pays où l'État est en grande partie défaillant.
Un pari risqué pour Haïti
L’opération soulève déjà de nombreuses inquiétudes. Certains experts redoutent que le recours à des mercenaires aggrave la situation au lieu de l’améliorer. D’autres craignent une dérive incontrôlée, comme en 2021, lorsque des mercenaires colombiens recrutés par une société américaine ont été impliqués dans l’assassinat de Jovenel Moïse.
Rod Joseph, vétéran haïtiano-américain basé en Floride, dit avoir été contacté par l’équipe de Prince pour recruter des combattants. Mais, face au flou entourant le projet, il a refusé de collaborer sans garanties. « Sans un véritable transfert de compétences à la police haïtienne, cela ne servira à rien », estime-t-il. « On n’aura que des morts en plus. »
Pour beaucoup, le recours à Erik Prince reflète surtout l’extrême urgence de la situation en Haïti. Comme l’a confié récemment un ministre haïtien au quotidien Le Nouvelliste : « Toutes les options sont sur la table. »
Wideberlin Sénexant (HPN)