Relocalisation du TPI de Port-au-Prince : Solution pragmatique ou aveu d’impuissance ?
- troforteddy
- 2 avr.
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Face à une insécurité grandissante et à l’emprise croissante des gangs, le Conseil Présidentiel de Transition (CPT), accompagné du Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé et du ministre de la Justice Patrick Pélissier, a inauguré, le lundi 31 mars 2025, les nouveaux locaux du Tribunal de Première Instance (TPI) de Port-au-Prince à Delmas 75. Présentée comme une réponse temporaire aux défis sécuritaires, cette nouvelle mesure soulève une question cruciale : la relocalisation du Tribunal de Première Instance de Port-au-Prince constitue-t-elle une réponse adaptée ou un aveu d’impuissance de l’État ?
Une fuite plutôt qu’une solution ?
Dourason Charles, étudiant en Master 2 en sciences politiques au Nouveau Collège d’Études Politiques à Paris, voit dans ce déplacement du tribunal un aveu de faiblesse de l’État. Selon lui, les gangs ne se contentent plus de terroriser la population ; ils redéfinissent désormais les rapports de pouvoir et imposent leurs propres règles.
« Plutôt qu’une relocalisation, il s’agit d’une délocalisation face à la terreur des gangs », affirme-t-il. Il juge paradoxal que les institutions censées assurer la sécurité des citoyens fuient devant la menace. Selon lui, l’urgence est d’adopter des mesures concrètes et durables, au lieu de solutions temporaires inefficaces.Charles estime que la véritable question n’est pas de restaurer une autorité étatique contestée systématiquement dès lendemain de l’indépendance, mais de construire un État véritablement au service du peuple haïtien. « Le moment est venu de bâtir un État pour et par les Haïtiens, en accord avec les aspirations populaires », soutient-il.
Me Arnel Remy, coordonnateur général de la Coalition des Avocats pour la Défense des Droits de l’Homme (CADDOH), partage ce constat alarmant. Pour lui, cette relocalisation est une preuve supplémentaire de la faiblesse de l’État face aux gangs armés. « C’est une honte de voir l’État, qui incarne l’autorité publique, abandonner son propre territoire pour fuir la violence », déplore-t-il.Il insiste sur la nécessité de restaurer la sécurité nationale afin de regagner la confiance de la population et d’assurer la protection des magistrats et des avocats. « L’État est incapable d’assurer la sécurité des professionnels de la justice, ce qui constitue un frein majeur au bon fonctionnement du système judiciaire », souligne-t-il.
Une répétition de l’histoire
Il est important de souligner que le Tribunal de Première Instance de Port-au-Prince avait déjà été relocalisé en 2022 après des attaques menées par des gangs armés au Bicentenaire. Aujourd’hui, ce nouveau déplacement vers Delmas 75 apparaît comme une solution temporaire, reflétant à la fois la peur et l'incompétence des autorités en place. La répétition de ces transferts témoigne de leur incapacité à rétablir l’ordre dans la capitale.
Me Arnel Remy appelle à des mesures fortes et immédiates : rétablir la sécurité nationale, reconquérir les territoires occupés par les groupes armés et garantir la paix afin de regagner la confiance des citoyens. Selon lui, les dirigeants doivent prendre conscience de leur incompétence et tirer les conclusions qui s’imposent avant qu’Haïti ne sombre davantage dans le chaos.Ce déplacement du TPI, loin d’être une simple réorganisation logistique, est le reflet d’une réalité plus sombre : un État en recul, une justice en exil et une population livrée à elle-même face à la violence des gangs.
JDL-Haïti Press Network (HPN)
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