Haïti : face aux critiques, le CPT dissout la récente commission de désarmement
- Marvens Pierre
- il y a 10 minutes
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Le Conseil Présidentiel de Transition a annoncé, dans un communiqué en date du 2 mai, la dissolution de la Commission Nationale de Désarmement, de Démantèlement et de Réinsertion (CNDDR), pourtant fraîchement installée. Cette décision fait suite à une vive dénonciation du RNDDH, qui pointait du doigt la présence d’un ancien membre accusé de collusion avec des gangs armés.
Alors que la CNDDR, structure placée sous la tutelle de la Primature et réorganisée par un arrêté du Conseil des ministres du 21 février 2025, avait été officiellement relancée le 11 mars avec sept membres, le Conseil Présidentiel de Transition (CPT) a décidé de dissoudre la structure. Le coordonnateur Enold Florestal et les membres Guerda Prévilon, Claudy Alexis, Junior Bonheur, Illionor Louis, Michel Jean-Marie Léonidas et Abler Roudy Lalanne avaient pourtant été investis dans leurs fonctions.
Derrière cette volte-face du CPT, une lettre incendiaire du Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH) a visiblement pesé lourd. Dans ce document adressé au président du Conseil, l'organisation de défense des droits humains dénonçait vigoureusement la possible réintégration de Jean Rebel Dorcénat, un ancien porte-parole de la CNDDR, accusé d’être lié à des groupes armés.
Tout vient après que des infos ont fait croire qu'un possible Élargissement de la CNDDR est prévu. Dorcénat et un autre personnage dont on ignore son nom allaient être ajoutés pour avoir 9 membres.
Le RNDDH accuse M. Dorcénat d’avoir contribué, au fil des années, à la consolidation de plusieurs gangs dans la région métropolitaine et au-delà. Il lui est reproché d’avoir joué un rôle déterminant dans la fusion des coalitions criminelles G-9 et G-Pep pour donner naissance à la fédération "Viv Ansanm", qualifiée de "fédération terroriste" dans la lettre.
L’organisation affirme que Jean Rebel Dorcénat, sous prétexte de dialogue, s’est érigé en protecteur des bandits armés, plaidant pour eux sur la place publique et facilitant même des regroupements entre gangs rivaux.
De même, l'avocat André Michel s’est lui aussi montré amer face à la possible intégration de M. Dorcénat à la CNDDR, fustigeant le gouvernement pour sa volonté apparente de s'engager dans des négociations avec les gangs armés.
Face à ces accusations graves et à la perte de confiance généralisée envers la CNDDR, le CPT a publié une note annonçant sa dissolution immédiate. Il affirme vouloir établir une nouvelle structure de désarmement, « à l’abri de toute suspicion » et plus apte à faire face aux défis sécuritaires actuels.
Pour rappel, la CNDDR a été établie le 28 août 2006 sous le gouvernement René G. Préval / Jacques Édouard Alexis, et était alors présidée par Alix Fils-Aimé, père de l’actuel Premier ministre d’Haïti et ancien député (1995-1999).
Elle a échoué dans sa mission de désarmer les angs, de les démanteler et de réinsérer les membres dans la société civile.
Ce n’est pas la première fois que le RNDDH dénonce la présence de figures controversées au sein de cette structure. En 2006 déjà, sous la direction d’Alix Fils-Aimé, l’organisation s'était insurgée contre la présence de Jean-Baptiste Jean Philippe (alias Samba Boukman), accusé d’avoir été le porte-parole de l’« Opération Bagdad » — une campagne de terreur orchestrée par des partisans de Jean-Bertrand Aristide entre 2004 et 2005.
La CNDDR a été rétablie sous la présidence de Jovenel Moïse, par décret en date du 8 mars 2019, et installée le 11 mars 2019. Elle était composée d’Edwin Florexil, Innocent Joseph, Roodiny Jean-Baptiste, Abler Roudy Lalanne, Jean Chenet Lucien, Greatz Marie Lydie Sironel Charles, Jean Rebel Dorcénat, Jude Jean Pierre et Frantz Toyo.
Et c’est en 2025 que la nouvelle CNDDR allait réapparaître, dans un contexte où la violence en Haïti est, selon le BINUH, au bord d’un point de non-retour.
Prévu pour démanteler, désarmer et réinserer des gangs, cette nouvelle CNDDR cordonnée par Enold Florestal s'est vue après moins de deux mois démantelée pour manque de confiance et s'est désarmée de toute possibilité dans leur manœuvre.
Toutefois, le Conseil a également assuré qu’il mènera de larges consultations avec la société civile et des personnalités nationales, en vue de mettre en place un nouveau dispositif crédible dans le cadre du renforcement des institutions de sécurité publique.
En attendant cette nouvelle orientation, la dissolution de la CNDDR marque un revirement inattendu dans la stratégie de lutte contre les groupes armés en Haïti.
Wideberlin SENEXANT / HPN
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