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Haïti-Crise sécuritaire : La difficile équation entre les États-Unis, l’OEA et les Nations Unies


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Par Eddy Trofort


Haïti, première République noire du monde, traverse l’une des pires crises de son histoire. Plus d’un million de personnes sont déplacées dans la région métropolitaine de Port-au-Prince, aujourd’hui une capitale désertée et ravagée par les gangs armés. Presque tous les symboles de la République sont à genoux : le Palais national, toujours détruit depuis le terrible séisme du 12 janvier 2010, les bâtiments publics à l’abandon, et le Parlement, en ruine, n’a jamais été reconstruit.


Cette situation n’est certainement pas le fruit du hasard. Comment expliquer l’assassinat du président de la République, chez lui, sans qu’un seul membre de sa sécurité rapprochée ne soit blessé ? Un scénario surréaliste, difficile à croire même pour des enfants, et pourtant bien réel, à quelques heures seulement de la plus grande puissance militaire du monde : les États-Unis d’Amérique.


Les enquêtes sur la mort de Jovenel Moïse révèlent que les préparatifs de son assassinat ont été menés depuis le territoire américain, en Floride précisément. Depuis, Haïti est sans élections depuis plus de sept ans. Comment un pays comme les États-Unis, berceau autoproclamé de la démocratie, peut-il tolérer une telle dérive ? Une question que peu osent aborder, tant elle met à nu la complexité, des relations internationales.

 

Une instabilité chronique alimentée de l’extérieur

Haïti détient probablement le triste record de la nation ayant reçu le plus de missions onusiennes dans les Caraïbes. Crises politiques à répétition, prolifération de partis et d’organisations politiques, ONG omniprésentes promettant l’assistanat comme remède au sous-développement : un cercle vicieux bien rodé.


L’exemple le plus marquant reste celui de la MINUSTAH, mission de l’ONU censée ramener la stabilité après le départ de Jean-Bertrand Aristide en 2004. Quinze années de présence pour, au final, deux souvenirs marquants : l’introduction du choléra (plus de 8 000 morts, 300 000 personnes infectées), et l’implication de soldats brésiliens dans des actes illicites dans les quartiers pauvres, jusqu’à la vente d’armes à des jeunes désœuvrés. Le général brésilien Bacellar Urano Teixeira Da Matta, 58 ans, chef de mission, ira jusqu’à se suicider, laissant une lettre évoquant des raisons d’honneur.

 

 

La trahison du pouvoir et le retour des fantômes

L’élection de Jovenel Moïse en 2018, loin d’apporter un apaisement, n’a fait que prolonger la mainmise du PHTK sur le pouvoir. Ce petit-fils de paysan, originaire du trou du Nord, n’était censé être qu’une transition. Mais il a surpris en adoptant un ton humaniste, en dénonçant les injustices économiques et sociales. En s’opposant aux intérêts de la mafia économique, aujourd’hui réfugiée aux États-Unis, il a signé son arrêt de mort.


Ces mêmes acteurs économiques, désormais en exil, cherchent à revenir sous couvert de rétablir la sécurité, alors même que certains affirment que les gangs agissent dans un esprit de vengeance après l’assassinat du président, le 7 juillet 2021.

 

Une équation complexe, aux multiples inconnues

Les anciens alliés de Jovenel Moïse ne sont pas restés inactifs. Depuis l’intérieur ou depuis l’étranger, ils tirent les ficelles du chaos prédit par le président avant sa mort. Ils sont au pouvoir, proches du pouvoir, contre le pouvoir. Un véritable spaghetti politique.

Mais pourquoi cette situation attire-t-elle autant l’attention de la communauté internationale ? Une question de gros sous. Haïti est devenue une mine d’or humanitaire. Tous les projets tournent autour de la sécurité, avec les gangs comme prétexte.

 

Un plan à 1,2 milliard de dollars, pour qui ?

Force multinationale de sécurité (MMS), unités d’intervention rapide, forces spéciales anti-gang… L’OEA, les États-Unis et l’ONU se disputent le contrôle, les modalités et les ressources de l’intervention. Presque tous les quartiers populaires sont aujourd’hui contrôlés par des gangs issus de ces mêmes bidonvilles. Il aura fallu atteindre un tel niveau de délabrement pour qu’un plan de 1,2 milliard de dollars soit validé : 908 millions pour des actions humanitaires, 256 millions pour le développement.


Comme si l’humanitaire valait plus que le développement. Il faudrait retourner à l’université pour accepter une telle aberration intellectuelle.


Et pourtant, ce sont des dirigeants haïtiens, bardés de diplômes, qui ont apposé leur signature sous ce plan. Pourquoi ? L’argent ? Difficile à croire. L’amour rend aveugle, dit-on, mais pas l’argent.

 

 

Une nouvelle forme d’occupation ?

Les contrats affluent, juteux, opaques, impliquant des mercenaires venus d’ailleurs, dignes des armées préceptrices de l’époque romaine. Certains reçoivent même le droit de percevoir des taxes à la frontière. Une véritable insulte à notre souveraineté.



Un professeur me disait souvent : "Les affaires transfrontalières relèvent de la sécurité nationale." Aujourd’hui, Haïti ne contrôle plus ni son territoire intérieur, ni ses frontières. Un jeu d’échecs savamment orchestré, qui prépare une occupation douce de l’île.



Des militants autoproclamés sur le sol américain participent à ce plan sous couvert de patriotisme. Mais ce ne sont que des mercenaires, sans foi ni nation. Tous des mercenaires !

 

Une répétition de l’histoire

Ceux qui liront cet article sauront. Ce plan n’a qu’un seul objectif : empêcher tout soulèvement populaire. Comme en 1915, lorsque les États-Unis ont écrasé la rébellion haïtienne dans le sang.


L’équation que veulent résoudre les États-Unis, l’OEA et l’ONU dépasse les simples enjeux de sécurité. Elle cache une stratégie de contrôle économique, militaire et politique. Les diplomates s’agiteront pour lui donner un vernis de légitimité. Mais au final, ce sont les Haïtiens, une fois de plus, qui paieront le prix fort. Il n’y a rien de nouveau sous le soleil. Et il n’y en aura pas.


Eddy Trofort

HPN

 

 
 
 

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