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Assassinat de Jovenel Moïse : Pas de justice, quatre ans après, le CARDH réclame un Tribunal spécial


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Quatre ans après l’assassinat du président haïtien Jovenel Moïse, aucun procès n’a encore été organisé en Haïti. C’est le constat alarmant dressé par le Centre d’Analyse et de Recherche en Droits de l’Homme (CARDH) dans un rapport publié le 6 juillet 2025. Intitulé « Quatre ans après l’assassinat du président Jovenel Moïse », le document de 20 pages souligne l’impossibilité de juger ce crime dans un système judiciaire haïtien « paralysé, vulnérable et en perte totale de crédibilité ».


Dans la nuit du 6 au 7 juillet 2021, des mercenaires principalement colombiens et ex-agents de sécurité américains ont envahi la résidence présidentielle à Pétion-Ville. Le président a été brutalement assassiné, sous la complicité présumée de certaines unités de sécurité de l’État.


Depuis, six personnes ont été condamnées aux États-Unis, dont cinq à la perpétuité. En Haïti, en revanche, le dossier reste enlisé. Aucun jugement de fond n’a eu lieu. Selon le CARDH, cette absence de procès reflète une faillite systémique de l’appareil judiciaire haïtien.


Entre 2021 et 2025, cinq juges d’instruction se sont succédé sans parvenir à faire avancer le dossier. Plusieurs ont abandonné, faute de moyens, de renouvellement de mandat ou à cause de pressions. Le juge Walther Wesser Voltaire, dernier en poste, a même dû publier son ordonnance par voie de presse, le parquet ne l’ayant jamais reçue officiellement.


L’ingérence politique est également pointée du doigt. Les commissaires du gouvernement peuvent être limogés à tout moment par l’Exécutif, comme ce fut le cas en 2019 pour Paul Héonce Villard, après avoir tenté de poursuivre un parlementaire.


Avec la montée de l’insécurité, le palais de justice du Bicentenaire a été abandonné. Les tribunaux sont déplacés d’un quartier à l’autre, rendant le fonctionnement régulier de la justice quasiment impossible. Les juges chargés de dossiers sensibles doivent vivre cachés, souvent menacés de mort.


Le cadre légal lui-même complique les choses. En droit haïtien, les juges ne disposent que de trois mois renouvelables pour instruire un dossier pénal. Dans le cas Moïse, ce délai a été refusé à l’un des magistrats, entraînant sa révocation. En outre, Haïti ne dispose ni de juridictions spécialisées ni de structures pour gérer les crimes politiques d’envergure nationale ou internationale.


Le CARDH rappelle que l’assassinat du président haïtien est un crime transnational, tel que défini par la Convention des Nations Unies contre la criminalité organisée. Il a été planifié à l’étranger, exécuté par des mercenaires non haïtiens, avec des ramifications financières internationales.


Le juge Voltaire a d’ailleurs reconnu cette dimension dans une ordonnance rendue en 2022. Pourtant, le manque de coopération entre le système judiciaire haïtien (de tradition romano-germanique) et le système américain (de Common Law) rend les enquêtes difficiles. Aux États-Unis, une partie du dossier est classifiée, limitant l’accès des autorités haïtiennes aux preuves clés.


Le CARDH propose un tribunal spécial


Devant ce blocage complet, le CARDH propose à nouveau, comme depuis août 2021, la création d’un tribunal spécial ou d’une chambre spéciale pour juger ce crime. Une structure hybride, nationale mais appuyée techniquement, permettant d’assurer un procès impartial.


Le rapport cite plusieurs exemples internationaux : le tribunal spécial pour le Liban, créé après l’assassinat de Rafic Hariri, les chambres extraordinaires au Cambodge, le tribunal spécial pour la Sierra Leone et la cour pénale spéciale en Centrafrique, soutenue par l’Union africaine.



Ces modèles mixtes ont prouvé qu’il est possible de concilier souveraineté nationale, expertise internationale et efficacité judiciaire. Le CARDH insiste sur le fait que ce n’est pas d’une justice étrangère dont Haïti a besoin, mais d’une justice renforcée, protégée et indépendante.


Une urgence démocratique et symbolique


Au-delà du procès d’un président, ce tribunal aurait pour mission de révéler les vérités enfouies : les commanditaires, les financements, les motifs. Pour le CARDH, cette transparence est essentielle, non seulement pour faire justice à la famille du défunt président, mais aussi pour prévenir de futurs assassinats politiques et restaurer la confiance du peuple dans ses institutions.


« Sans justice, Haïti risque de normaliser l’impunité pour les crimes d’État », avertit le rapport.


Le rapport se conclut sur une mise en garde : le temps qui passe ne doit pas effacer la mémoire collective. Quatre ans après, ni la population, ni les institutions ne doivent se résigner à l’oubli. Le CARDH appelle donc toutes les forces vives nationales et internationales à soutenir la mise en place d’un mécanisme exceptionnel de justice pour cet assassinat.



Mederson Alcindor

Haiti Press Network (HPN)

 
 
 

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