Visa d’or 2025: Milo Milfort dévoile les dessous de son reportage « En Haïti, au cœur de l’enfer », primé

Les journalistes haïtiens Milo Milfort et Johnson Sabin, aux côtés du photographe belge Gaël Turine, ont remporté le prestigieux Visa d’or de l’Information numérique 2025 pour leur webdocumentaire « En Haïti, au cœur de l’enfer », publié par La Libre Belgique. Les lauréats du prix ont été dévoilés le 4 septembre dernier lors du festival international Visa pour l’Image à Perpignan, en France, une scène majeure mettant les projecteurs sur les reportages sur les conflits et les crises humanitaires à travers le monde.

Dans une interview accordée à Haïti Press Network, Milo Milfort a exprimé sa fierté de voir le journalisme haïtien mis à l’honneur sur la scène internationale. « C’est une forme d’accomplissement mais aussi un engagement renouvelé. Ce prix doit nous encourager à continuer malgré les conditions extrêmement difficiles dans lesquelles nous travaillons », a-t-il déclaré.

Le journaliste rappelle que le contexte sécuritaire en Haïti complique chaque reportage : « La capitale est contrôlée à plus de 85 % par des gangs armés. Depuis 2018, une quinzaine de journalistes ont été tués et d’autres enlevés ou blessés. » Malgré ces risques, l’équipe a mené des enquêtes de terrain dans les quartiers sous contrôle armé, dans les camps de déplacés et jusque dans les repaires des gangs, afin de documenter la réalité vécue par les habitants.

Rédacteur principal du projet, Milfort a structuré l’enquête autour de quatre grands axes : la montée en puissance des gangs, les camps de déplacés internes, les zones occupées et la résistance citoyenne. Le reportage met en lumière les disparités entre les chefs de gangs, devenus riches grâce aux enlèvements contre rançon, et les jeunes recrues plongées dans la misère. Il dévoile aussi les liens entre les groupes armés, certains acteurs politiques et leurs sources de financement.

Le journaliste souligne que ce travail a permis de donner un « regard haïtien » sur la crise, souvent racontée par des médias étrangers. « Ces productions offrent une perception plus juste de la réalité, car elles viennent de ceux qui vivent cette situation au quotidien », dit-il, espérant que ce prix ouvrira la voie à d’autres journalistes haïtiens.

Interrogé sur l’avenir du photojournalisme en Haïti, Milfort se montre optimiste. Il note la montée en puissance de collectifs comme Kolektif 2 Dimansyon (K2D) qui inspire une nouvelle génération de photojournalistes, même si le webdocumentaire reste encore marginal dans les médias haïtiens, faute de moyens et de sécurité.

Pour les jeunes journalistes tentés par le photojournalisme ou le webdocumentaire, Milo Milfort recommande la passion, la rigueur et le courage : « Faire du bon journalisme prend du temps, de l’énergie et comporte des risques, mais le résultat en vaut la peine. Il faut se différencier, refuser la facilité et continuer à se former », conseille t-il.

Ce prix, conclut-il, doit être perçu comme un encouragement pour toute la profession en Haïti, dans un contexte où informer devient un acte de résistance.

AM/HPN