Société: Décès à Montréal ce vendredi, de l'accordéoniste Joe Jack, l’aveugle aux mille destins

Le rideau est tombé ce vendredi sur la vie de Joseph Jacques, plus connu sous le nom de Joe Jack, l’un des artistes les plus touchants et inspirants qu’Haïti ait connus. Le crooner aveugle, poète mélodieux et symbole de résilience, est décédé à Montréal, à l’âge de 88 ans. C'est un grand parolier qui s'en va vers l'au-delà.

Né le 25 mai 1936 aux Gonaïves, Joe Jack avait vu le jour sans la vue. Mais ce handicap, loin d’être un frein, fut le tremplin d’une existence guidée par la passion et la musique. Dans un pays où les structures pour personnes handicapées étaient quasi inexistantes, il dut forger son chemin à travers les obstacles et l’exclusion, avant de trouver sa lumière dans la poésie, le chant et les mots.

La musique devint son alphabet. Formé à l’école Saint-Vincent de Port-au-Prince, il apprit à lire, à écrire, à sentir le monde à travers les vibrations du son. Des titres comme « Ti cheri fè m dous », « Mennaj mwen », « Port-Salut » et l’incontournable « Entre te voir et t’aimer », extrait de l’album Cool Music for You, ont traversé les générations, portés par une voix douce et une sensibilité rare.

En 2004, un accident vasculaire cérébral avait affecté son bras droit, mais Joe Jack ne s’était pas tu pour autant. Avec un synthétiseur, un ordinateur et une volonté inébranlable, il continua à composer, à créer, à vivre.

Son autobiographie, L’aveugle aux mille destins, retrace ce parcours hors norme, entre douleurs et triomphes, ténèbres et lumière. À ceux qui lui demandaient s’il aurait préféré voir, il répondait toujours avec poésie :« Si je devais choisir entre voir et aimer, je préfère aimer. »

Aujourd’hui, Haïti perd une voix. Pas seulement une voix musicale, mais une voix d’espoir, d’humanité, et d’amour. Joe Jack s’en est allé, mais ses chansons continueront à bercer nos âmes et nos souvenirs, au bord de la mer, lors de nos soirées troubadours, et dans le cœur de ceux qui croient que la musique peut vaincre les ténèbres.

Avec « Ti cheri fè m dous », « Port-Salut », « Mennaj mwen », sont autant de titres gravés dans la mémoire collective du peuple haïtien.

Yves Paul LEANDRE