Haïti : 30 ans après sa création, la PNH en crise selon un rapport du CARDH
- troforteddy
- 13 juin
- 2 min de lecture

À la veille du 30e anniversaire de la Police nationale d’Haïti (PNH), un rapport accablant du Centre d’Analyse et de Recherche en Droits de l’Homme (CARDH) jette une lumière crue sur une institution en crise. Publié le 11 juin, ce document de 14 pages, dresse un portrait inquiétant d’une PNH minée par la corruption, l’inefficacité, la perte de contrôle hiérarchique et un climat de démobilisation alarmant.
Selon le CARDH, la corruption gangrène tous les niveaux de l’institution : pots-de-vin pour les promotions, liens entre certains agents et groupes armés, pratiques mafieuses tolérées par la hiérarchie. Le rapport accuse certaines unités d'opérer comme de véritables « réseaux parallèles », mettant en péril l’intégrité même de la mission policière.
Des conditions de travail dégradées, un personnel démotivé
Les policiers font face à des conditions de travail précaires : salaires bas, absence de soins de santé, manque d’équipements, surcharge de travail. Cette situation génère un profond malaise, une démotivation grandissante et une multiplication des départs non encadrés. Des postes sont aujourd’hui vacants, faute de personnel, compromettant le bon fonctionnement de plusieurs unités.
L’institution souffre aussi d’un déficit d’effectifs mal répartis. Sur environ 10 000 agents, beaucoup sont affectés à la sécurité de personnalités publiques, laissant les régions reculées sans protection adéquate. Cette concentration dans la capitale accentue l’expansion territoriale des groupes armés.
Le rapport dénonce également la dérive militariste de la PNH avec usage incontrôlé de blindés, recours à des armes lourdes, tactiques de guerre en milieu urbain sans cadre juridique clair. Ces pratiques auraient conduit à des bavures et renforcé la méfiance populaire.
Sur le plan de la gouvernance, le CARDH critique l’absence d’une stratégie nationale de sécurité. L’État réagit aux crises dans l’improvisation, sans vision globale ni planification durable. Neuf directeurs généraux se sont succédé à la tête de la PNH en dix ans, une instabilité qui mine toute politique cohérente. La politisation de l’institution nuit à son autorité et sabote toute tentative de réforme en profondeur.
Une perte de légitimité aux yeux de la population
Le rapport met aussi en lumière les accusations persistantes de violences extrajudiciaires contre certaines unités spécialisées. Le manque de contrôle interne favorise l’impunité, ce qui contribue à une rupture de confiance entre la police et la population. Perçue comme une force brutale plutôt que protectrice, la PNH est en voie de perdre sa légitimité.
Face à ce tableau sombre, le CARDH appelle à une refondation complète de la PNH. Parmi les recommandations : un audit du système de formation, la réforme des écoles de police, la création d’un centre de commandement autonome, et surtout, l’adoption d’un pacte national de sécurité élaboré avec tous les acteurs concernés. Le rapport insiste sur la nécessité d’un leadership stable, d’une vision claire, et d’une autonomie institutionnelle pour sortir l’institution du chaos.
Pour le CARDH, le 30e anniversaire de la PNH ne devrait pas être une célébration, mais un signal d’alarme. Sans un sursaut politique majeur et des réformes structurelles profondes, la PNH risque la désintégration, et avec elle, la sécurité nationale.
Mederson Alcindor
Haiti Press Network (HPN)
Komentarze