Artibonite : des localités transformées en zones de guerre
- etrof16
- 13 oct.
- 3 min de lecture

La situation sécuritaire dans le département de l’Artibonite continue de se détériorer, plaçant cette région autrefois considérée comme le grenier agricole du pays au cœur de la violence armée, selon un rapport publié ce 9 octobre 2025 par le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH).
Depuis 2018, l’insécurité généralisée en Haïti, alimentée par la complicité partielle de certaines autorités étatiques et judiciaires, s’est progressivement étendue du département de l’Ouest vers le Centre et l’Artibonite. Les enquêtes menées par le RNDDH indiquent que si les raids armés étaient encore sporadiques dans l’Artibonite en 2022, ils se sont considérablement intensifiés en 2025. Entre janvier et septembre, au moins 24 massacres et attaques armées ont été recensés dans 25 villes et localités réparties sur huit des dix-sept communes du département.
Certaines attaques ont été menées simultanément sur plusieurs zones, entraînant des pertes humaines et matérielles importantes. Le RNDDH a dénombré 84 personnes tuées, dont quatre policiers de la PNH et deux agents de la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS), soit une moyenne de neuf morts par mois. Les attaques ont également visé six institutions publiques, dont trois commissariats, un sous-commissariat et deux tribunaux de paix, vandalisés ou incendiés.
Les communes les plus affectées sont Gros-Morne, La Chapelle, Liancourt, L’Estère, Marchand-Dessalines, Montrouis, Petite-Rivière de l’Artibonite et Verrettes. La commune de Petite-Rivière de l’Artibonite demeure la plus vulnérable, avec huit attaques enregistrées sur la période, faisant d’elle le principal objectif des gangs armés. Parallèlement, un phénomène préoccupant a émergé : certaines communautés sont désormais prises pour cibles par des brigades d’autodéfense locales pour ne pas avoir contribué aux efforts de sécurisation, comme en témoigne le massacre survenu à Préval le 20 mai 2025.
Outre les pertes humaines, la violence a provoqué la destruction de centaines de maisons et de véhicules, y compris des blindés et des voitures de police, ainsi que de nombreuses motocyclettes appartenant à des particuliers et à des agents de l’ordre. Trois prévenus se sont également évadés lors de l’attaque du commissariat de Marchand-Dessalines.
Le RNDDH déplore l’absence d’une réponse efficace des autorités policières et judiciaires. Les tribunaux de paix locaux n’ont pu mener à terme aucune procédure permettant de poursuivre les auteurs des crimes. La police, en manque de ressources humaines et matérielles, se dit dépassée par l’ampleur des attaques, malgré le renforcement ponctuel de certains effectifs par des unités spécialisées.
Les conséquences de cette violence sont considérables pour la population : des milliers de personnes ont fui leur domicile, des champs agricoles ont été abandonnés ou détruits, les activités commerciales et financières sont en chute libre, et la peur s’est installée dans les communautés, confrontées aux rançons, enlèvements et exactions des gangs comme des brigades d’autodéfense.
Face à cette situation alarmante, le RNDDH appelle les autorités à agir sans délai. L’organisation recommande le renforcement des moyens de la police pour reprendre le contrôle du territoire, la restauration d’un climat de sécurité propice au retour des déplacés, la mise en place d’une assistance médicale et psychologique aux victimes, ainsi qu’un appui logistique et matériel suffisant pour contrer durablement les activités des gangs armés.
Sans une intervention rapide et coordonnée, avertit le RNDDH, la violence qui ravage actuellement l’Artibonite risque de s’étendre à d’autres communes et départements, aggravant encore la crise sécuritaire déjà critique que traverse le pays.
MA/HPN



















Commentaires