Tout porte à croire qu’Haïti est abonnée aux malheurs. En effet, la grande et grave crise sécuritaire sans précédent que vit le pays actuellement interpelle. Plus que jamais, les gangs armés défient les autorités établies qui font montre d’une impuissante cinglante. En attendant le résultat des discussions engagées par la Communauté Internationale avec des protagonistes haïtiens, via la CRICOM, des acteurs dans tous les domaines se positionnent, sensibilisent par des appels citoyens, humanitaires et des propositions de sortie de crise. Alliés du ‘’pouvoir déclinant’’, membres de l’opposition, tous ou presque reconnaissent ou semblent reconnaitre que la situation est intenable et plus que jamais un consensus s’impose. C’est le cas de la structure politique dénommée Force Louverturienne Réformiste qui, dans un Mémoire en date du 7 mars 2024, a fait le constat de « l’échec » de l’équipe gouvernementale qui elle-même a reconnu que « la sécurité nationale est en péril ». Qui pis est, l’état d’urgence doublé du couvre-feu décrété par le Premier ministre a.i, Michel Patrick Boisvert, n’a pas porté fruits ; les gangs armés ont redoublé de cruauté contre les vies et les biens.
« En conséquence, la Force Louverturienne Réformiste, signataire de la Déclaration Conjointe de Kingston propose aux parties prenantes haïtiennes : A. De constater par un acte de puissance publique, la défaillance du Gouvernement exerçant le Pouvoir Exécutif par le truchement du Conseil des Ministres présidés par le Premier Ministre Ariel Henry ; B. De doter la Nation d’un nouveau Pouvoir Exécutif pour la gestion de la période intérimaire jusqu’aux prochaines élections générales », peut-on lire dans le document de Force portant la signature de son Président Emmanuel Ménard.
De plus, pour espérer une sortie de crise, le Parti fondé en 2010 et ses « alliés du bloc du Milieu » disent déposer sur la table des négociations deux formules, à savoir : le choix d’un Président Provisoire entre ces deux juges de la Cour de Cassation régulièrement nommés : Magistrat Barthélemy Anténor et Magistrat Jean-Joseph Lebrun, ainsi que la formation d’un Collège Présidentiel de cinq membres avec des personnalités issues de la Société Civile, incluant la Diaspora, des secteurs politique et économique. En effet, dans l’un ou dans l’autre cas, Force Louverturienne Réformiste préconise « la nomination d’un Premier Ministre rassembleur, en concertation avec les parties prenantes pour la formation d’un Gouvernement d’Exception de Salut Public (GESAP), la formation d’un Conseil Intérimaire de Contrôle (CIC) de 13 membres, chargé de contrôler l’action gouvernementale et de donner un avis favorable avant la promulgation de tout décret ayant force de loi qui serait adopté en Conseil des Ministres».
Des alliés frappés par le réel
Edmonde Supplice Beauzile de la FUSION, Louis Gerald Gilles de NOULHA, Marjory Michel de KOLEKTIF FANIM ANGAJE POU AYITI, André Michel du SDP… tous alliés indéfectibles du gouvernement d’Ariel Henry, reconnaissent ou prétendent reconnaitre la gravité de la crise. Dans un appel d’urgence à la nation en date du 6 mars 2024, ces politiciens qui donnent l’impression de se la couler douce aux dépens de la population, ont admis que : « Nous devons sortir de notre confort de l'attentisme pour poser des actions concrètes dans l'intérêt de la Cité. Nous devons nous montrer dignes des Pères fondateurs qui se sont dépassés pour nous léguer ce coin de terre. Nous devons créer et développer aujourd'hui la stratégie de l'humilité, de la volonté et de la transcendance. Le devoir de tout patriote aujourd'hui est de se tenir debout comme un seul homme et une seule femme pour sauver la République. La bataille est contre le peuple haïtien, qui que vous soyez, du pouvoir ou de l'opposition. Tel que les événements se trament, se déroulent et se nouent dans les détours d'un dédale infernal, il y a un plan contre vous, contre nous, qui doit consacrer notre faillite morale. La Communauté Internationale, qui prône tant la paix à travers le monde, doit se positionner contre la bataille des gangs coalisés ». Interprétant les propos des alliés du pouvoir, certains y voient une tentative de repositionnement compte-tenu du fait que le « Bateau Ariel » prend de l’eau.
La CCIH s’invite au concert des propositions
« Témoins et victimes des répercussions néfastes de cette crise sur l'économie, les affaires et le bien-être de nos concitoyens, nous (CCIH) appelons toutes les parties prenantes impliquées dans cette crise à rechercher des solutions pacifiques et à s'engager dans un dialogue constructif pour trouver un terrain d'entente. La paix, la stabilité politique et la sécurité sont essentielles pour garantir un changement durable. Nous compatissons et présentons nos sympathies à toutes les personnes et institutions victimes de cette situation, toute perte de vie humaine, toute destruction de bien est une de trop et est condamnable », lit-on d’emblée dans un communiqué de la Chambre de Commerce et d'Industrie d'Haïti, regroupant les dix (10) chambres départementales du pays.
Sans prendre de position claire dans un contexte où les appels à la démission du Gouvernement fusent de partout, la CCIH déclare exhorter les autorités compétentes à prendre des mesures immédiates pour restaurer l'ordre public, à protéger les droits fondamentaux de tous les citoyens et à garantir la sécurité des vies et des biens. Acteur de premier plan, cette structure patronale ne cache pas sa velléité de s’engager dans la recherche d’une solution, ce pour le bien de la République. « Nous nous engageons à jouer un rôle constructif dans la résolution de cette crise qui a trop durée. Nous sommes prêts à collaborer avec les autorités, les organisations de la société civile et d'autres parties prenantes pour trouver des solutions à la mise en place des institutions démocratiques dans notre pays. Nous décrétons la permanence et appelons nos membres et l'ensemble de la communauté des affaires à rester vigilants, à soutenir les efforts de réconciliation nationale et à contribuer à la construction d'un avenir meilleur pour tous les Haïtiens », conclut ce document qui porte la signature de Monode Joseph, Président de la CCIH.
L’urgence humanitaire s’impose
Aujourd’hui plus que jamais, le pays est sous la sellette des bandits qui sèment la terreur, violent, tuent, kidnappent et retiennent le peuple haïtien dans une misère atroce. Un fait qui n’échappe pas au constat de la PROMODEV, une organisation qui s’investit dans la promotion du développement durable en Haïti se basant sur l’Agriculture. « Durant les 5 derniers jours, nous avons été témoins de l'envahissement de la Faculté d’Agronomie et de Médecine Vétérinaire ((FAMV) de l’Université d’Etat d’Haïti (UEH), du cambriolage, de la prise d'otages, du vandalisme et du pillage systématique des institutions publiques et privées, ainsi que des attaques perpétrées contre les deux plus grands centres pénitenciers du pays aboutissant à l'évasion de centaines de prisonniers, dont des criminels notoires. La République d’Haïti est de fait en état de siège sous la commande des bandits lourdement armés, et la population haïtienne ne sait plus quoi faire. Aucune activité n’est possible : pas de commerce, pas de circulation. Ce qui est plus grave, il n’y a plus de possibilité de production agricole ni d'éducation. Cela indique que la terreur et le chaos règnent sur le territoire national », énumère sans prétendre à l’exhaustivité la PROMODEV qui se demande, au passage, pourquoi le peuple haïtien subit-il cette descente aux enfers caractérisée par divers crimes ?
Fort de ce diagnostic pour le moins accablant, l’Organisation qui mise sur l’Agriculture pour sortir le pays de l’assistanat, lance un appel pressant aux décideurs et partenaires internationaux pour qu'ils jettent un coup d'œil et accordent le bénéfice de l'urgence à Haïti, qui a désespérément besoin d'un nouveau leadership national. « Nous ne pouvons plus rester silencieux face à cette crise humanitaire qui ébranle les fondements mêmes de notre société. Il est impératif que des mesures concrètes et immédiates soient prises pour mettre fin à cette spirale de violence et de destruction. Haïti a besoin de notre solidarité et de notre soutien maintenant plus que jamais. Il est extrêmement urgent pour les décideurs et partenaires internationaux d’agir rapidement en vue de rétablir la paix et la sécurité pour un avenir meilleur pour Haïti et ses citoyens. Nous devons travailler à redonner espoir à ceux et à celles qui en ont le plus besoin », affirme la PROMODEV dans un document signé par près d’une vingtaine d’organisations et professionnels.
En Haïti, la réalité est d’autant plus ubuesque qu’elle dépasse la fiction. Depuis le début du mois en cours, les sont en mode Activation, mettant ainsi même le Gouvernement sur pilotage automatique. Les institutions de l’Administration publique sont fermées dans leur quasi-totalité, la Police nationale est réduite à l’impuissance, les écoles, les discothèques et d’autres entreprises affichent portes closes depuis une semaine. Entretemps, le sort du pays se joue en Jamaïque où se tiennent d’interminables discussions entre des acteurs peu conscients et peu soucieux de la situation chaotique et qui ne parlent pas le même langage.
GA /HPN
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