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Port-au-Prince : Sous les tentes et dans la boue, des abris de fortune devenus pièges à ciel ouvert




 

 La pluie n’en finit pas de s’abattre sur la capitale haïtienne. Lourde, constante, elle transforme ruelles et cours en bourbiers, compliquant davantage la vie de milliers de déplacés internes. Fuyant l’insécurité des quartiers sous contrôle des gangs, ces familles trouvent refuge dans des espaces publics abandonnés, transformés à la hâte en camps de fortune. Mais à quel prix ?

 

Dans les anciens locaux du ministère des Travaux publics à Delmas 33 ou encore à Bois-Verna, dans ce qui fut le ministère de la Communication, le quotidien se résume à la survie. L’humidité ronge les murs, les sols sont gorgés d’eau, les couloirs deviennent impraticables. L’odeur de moisissure, mêlée à celle des déchets en décomposition, imprègne l’air. Sous les toiles trouées et les planches branlantes, les familles s’efforcent de préserver un semblant de dignité.

 

Dans ce décor de misère, les enfants tentent d’échapper à la réalité. Ici, un petit groupe construit des cerfs-volants avec des sacs plastiques et du bois cassé. Là, un bébé pleure, transi de froid, pendant qu’une mère tente désespérément de garder au sec ce qui lui reste de couvertures.

 

"On dort debout", lance Marie-Ange, la soixantaine, pieds nus dans la boue, abritée depuis deux ans dans un coin du bâtiment. "Quand il pleut, on est mouillés même à l’intérieur. Les enfants tombent malades, et personne ne vient."

 

Autour d’elle, des sacs plastiques gonflés d’habits trempés s’entassent, témoins d’une vie figée par l’attente. Quelques mètres plus loin, un jeune homme lave son linge dans une bassine d’eau sale. "À la radio, ils disent qu’il y a des aides, des repas chauds, des bâches. Mais ici, on ne voit rien. On veut des actes, pas des discours", s’indigne-t-il, en désignant un pan de toit effondré.

 

Le gouvernement a annoncé le lancement d’une nouvelle phase d’aide humanitaire dans les camps de déplacés de la région métropolitaine. À l’agenda repas chauds, bâches, soutien logistique. Mais sur le terrain, à Delmas comme à Bois-Verna, personne ne semble au courant. Aucune distribution, aucun contact officiel. "On entend parler d’aide à la radio. Mais personne ne vient ici. Nous sommes oubliés", déplore un père de famille.

 

La Primature a pourtant déclaré avoir distribué des bâches dans les camps de Delmas et Bourdon. Une annonce reçue avec scepticisme par les déplacés. "C’est toujours comme ça. Un coup de projecteur, quelques sacs, puis plus rien", souffle une habitante du site de Bois-Verna.

 

Ce que vivent ces déplacés n’est plus une urgence temporaire, c’est une crise humanitaire prolongée. L’insécurité empêche tout retour dans les quartiers d’origine, tandis que l’absence de solutions de relogement et le manque de coordination entre les institutions aggravent le sentiment d’abandon.

 

"On ne demande pas la charité", insiste un père de trois enfants, sous une tente rafistolée. "On veut juste rentrer chez nous. Ou au moins pouvoir partir en province. Mais même ça, c’est devenu impossible. On est coincés."

 

Sous les tôles rouillées et les bâches déchirées, ces familles vivent suspendues à des promesses jamais tenues. Leurs voix, souvent noyées par le bruit de la pluie, continuent pourtant de réclamer ce qui devrait être un droit vivre dans la dignité humaine comme il est stipulé dans la Déclaration Universelle des droits de l'homme et du citoyen.

 

Par Mederson Alcindor

Haiti Press Network (HPN)

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