18 novembre 2024, ça fait 221 ans depuis que nos ancêtres ont réalisé Vertières. Beaucoup connaissent qu’un fait d’armes extraordinaire s’y est produit (que nous n’allons pas décrire ici), pour l’avoir entendu, appris, lu dans les livres, visionné dans un documentaire ou d’une autre manière. Mais, très peu savent et encore moins comprennent cette prouesse inouïe jamais réalisée auparavant dans l’histoire de l’humanité. Cette épopée a permis aux esclaves noirs de Saint-Domingue de vaincre la plus puissante armée de l’époque et d’édifier la première nation nègre libre dans une Amérique colonialiste et esclavagiste, flanquée de l’hégémonie des grandes puissances maritimes européennes et de celle émergente des États-Unis d’Amérique.
Vertières est très importante non seulement parce qu’elle est l’aboutissement de nombreuses révoltes et luttes d’esclaves pour la liberté, mais aussi et surtout du fait que c’est le symbole et l’expression la plus achevée de la volonté d’une race d’hommes et de femmes décidée de vivre libre ou de mourir. Vertières a donné raison à Jean-Jacques Dessalines qui a prôné l’unité nationale, qu’il a considérée comme « le secret d’être invincible ». Les noirs de toutes catégories sociales et de toutes nuances épidermiques, pourtant longtemps divisés sur plusieurs bases et sous différentes appellations, ont balayé dans leur rang toute odeur de traîtrise, de lâcheté et de peur, se sont mis debout pour la première fois en bloc compact pour défier et ébranler la suprématie blanche. C’est le point culminant qui allait remettre aux vaillants soldats de l’armée indigène le pouvoir de décider de leur destin (droit à l’autodétermination), en fondant le 1eJanvier 1804 la première nation nègre libre des Amériques.
C’est un exemple que les esclavagistes blancs n’ont pas pardonné à la nouvelle nation. Ils ont tout fait pour lui mener la vie dure : blocus, rançon, braquage, exploitation, envahissement, occupation, déforestation, contrôle culturel, politique, financier et économique, etc. C’est une hardiesse qu’ils châtient aujourd’hui encore, conformément à la formule du mathématicien et chimiste de la fin du 18esiècle, Antoine de Lavoisier : « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ». Le calvaire actuel de Haïti, qui s’écroule sous le poids de l’enfer des gangs, des tourmentes politiques et de toutes sortes de violences, n’y est certainement pas étranger.
Merci à Dany Laferrière d’avoir fait entrer Vertières dans le dictionnaire français, à tous les historiens et écrivains ayant tiré de l’ignorance mondiale cette grande bataille où l’héroïsme des damnés était au rendez-vous pour reconquérir leur dignité humaine. Après 221 ans, dans l’état actuel du pays dans lequel toutes nos grandes conquêtes sont hypothéquées, ce que le 18 Novembre nous enseigne et nous invite à faire est de rebâtir l’unité nationale. C’est autour de ce cri fondateur de rassemblement que la Sosyete Lakou Dessalines, selon une pédagogie appropriée à notre temps, nous conjure pour remettre debout la Nation, par nous-mêmes et pour nous-mêmes. Rien n’est impossible, même quand le défi est monstrueux, comme il le fut aussi pour nos ancêtres de leur époque. La tortue nous montrera où et comment l’ouvrir. Soyons attentifs, intelligents et vaillants pour exploiter les brèches comme à la Crête à Pierrot.
Abner Septembre
18 novembre 2024
Photo : Courtoisie
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