La coupe d’Europe et la Copa America ont pris fin dimanche (14 juillet 2024), mais l’euphorie suscitée en Haïti par ces deux grandes compétitions se fait encore sentir dans les débats, les commentaires et même dans les plaisanteries fanatiques des plus lucides comme des Mauvais perdants. L’intérêt manifeste de certains Haïtiens pour certaines équipes (Espagne, Angleterre, France, Portugal, Argentine, Brésil, Colombie…) et pour certains joueurs (Yamine Lamal, Jude Bellingham, Kylian Mbappé, Cristiano Ronaldo, Leonel Messi, Vinicius Junior, James Rodriguez…) laisserait croire qu’Haïti a un quelconque bénéfice à tirer au-delà de la joie universelle que procure le football de par le monde.
Feux d’artifices, détonations d’armes à feu, défilés de bandes à pied, discussions enflammées à chaque coin de rues comme sur les réseaux numériques…, Haïti a célébré le 16ème trophée de l’Argentine dans la Copa America comme si Messi et sa bande avaient du sang dessalinien qui coule dans leurs veines ; comme si les Argentins étaient des frères proches. Soit dit en passant, la participation de Melchie D. Dumornay à une finale de Ligue des Champions (premier footballeur haïtien arrivé à ce sommet) n’avait pas suscité un dixième (1/10) de l’allégresse qui habite certains Haïtiens rien qu’à contempler LM10 sacré champion même sans briller. La faute est moins à la Meilleure jeune joueuse mondiale qu’a certains de ses compatriotes dénués de tout sentiment d’appartenance. L’on objectera que le foot féminin n’attire pas autant l’attention que celui des hommes. Soit ! Mais, qu’est-ce qui empêche les décideurs haïtiens, le Ministère des sports en l’occurrence, de mettre Corventina sur un piédestal en la projetant comme modèle pour les jeunes haïtiens qui rêvent de jouer au football à l’échelle internationale. Mieux encore, pourquoi les secteurs public/privé ne conjuguent pas leurs efforts dans l’élaboration et l’application d’une vaste politique sportive, assortie d’une grande campagne nationale de détection de talents ? Ainsi, nous pensons à un modèle comme « Opération 2006 » revue et corrigée…
Dans la foulée des questions d’importance, celle qui touche l’être haïtien dans sa valeur humaine universelle, dans sa valeur sociale totale est éminemment cruciale. Fan de « Champions », passionné de sélections ou de clubs de football les plus distingués et les plus titrés, en quoi l’Haïtien lui-même est un champion ? A l’échelle mondiale qu’est-ce qui fait sa grande réputation ? Soumis à une forme de dictature de la médiocrité exercée par ceux-là même qui ont pour « mandat » et « prérogative » de faire avancer les choses dans le sens du progrès, l’Haïtien se retrouve hors de toute condition de déployer au mieux ses talents. En sport comme dans la musique, dans tous les domaines d’ailleurs, les « dons » comme les « résultats de travail acharné » ne rencontrent, hélas ! aucune vision. Ils sont légion les Haïtiens, jeunes ou adultes doués, surdoués ou à talents, qui n’ont pas les moyens de leurs ambitions. 1974. Il y a un demi-siècle depuis qu’Haïti avait participé à la Grande fête du football, la Coupe du monde. Au risque d’être indiscret ou hâtif, l’on pourrait se poser une dernière question : qu’est-ce qui empêcherait l’actuel titulaire du Ministère des sports de faire de la participation de la sélection haïtienne à la 23ème édition du Mondial (2026), sa principale priorité ? Un simple slogan fédérateur comme « Tout pour la Coupe du monde 2026 ! » suffirait à faire rêver toute une nation, éprise de ballon rond. Mais Hélas, la Dictature du rien et le Règne du néant persistent.
S’il est vrai que, comme l’a dit Paul Valéry, les esprits valent ce qu’ils exigent, il est grand temps pour nous, Haïtiens doués, surdoués ou à talents d’exiger de l’Etat tout l’encadrement nécessaire, afin de donner la preuve au monde entier que nous sommes aussi des Champions dans beaucoup de domaines, après avoir été des Champions de la Liberté (1804).
GeorGes Allen
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