Déjà en très mauvaise santé, le système sanitaire haïtien est aujourd’hui moribond. La preuve : vidé de ses malades, de ses médecins et d’autres membres de son personnel, le plus grand centre hospitalier du pays, communément appelé l’hôpital général, sert de cachette aux gangsters déterminés à prendre d’assaut le Palais national. La situation est d’autant plus alarmante que jusqu’à la fin du mois de mars dernier, une vingtaine d’institutions sanitaires étaient dysfonctionnelles dans l’aire métropolitaine de Port-au-Prince, selon le Ministère de la santé publique et de la population (MSPP). De plus, le manque accru d’intrants auquel font face les hôpitaux qui fonctionnent timidement complique la situation des malades et des patients. Jusqu’ici, les multiples appels lancés par les Associations médicales, depuis que les caïds ont redoublé de cruauté (29 février 2024), demeurent lettre morte.
L'Hôpital de l'université d'État d'Haïti (Hueh), le centre de santé Aurore du Bel-Air, le centre de santé Saint-Martin 2 (rue Saint-Martin), le centre de santé Saint-Martin 1 (Delmas 18 et Delmas 3), l'hôpital Dash (Delmas 18), la Maternité Isaïe Jeanty (Chancerelles), l'hôpital Saint-François de sales, le Sanatorium (Carrefour-Feuilles), l'hôpital communautaire de Bon-Repos, l'hôpital communautaire de Beudet, le centre de santé de la Croix-des-Bouquets, le centre de santé de Pernier (Pernier), l'hôpital Sainte-Catherine Labouré (Cité Soleil), sont entre autres institutions de santé qui affichent portes closes depuis que les bandits armés ont ravi aux autorités les monopole de la violence. En conséquence, la vie d’innombrables personnes souffrant de maladie chronique est en danger. A cette liste non exhaustive d’hôpitaux totalement dysfonctionnels s’ajoutent plus d’une dizaine de pharmacies situées au bas de la ville, notamment aux rues St-honoré et Monseigneur Guilloux, qui ont péri sous les flammes.
« Cette situation est très stressante. Je ne dors pas, je suis pensive et ma maladie ne supporte pas le stress », s’est plaint une personne atteinte de lupus. De son côté, une patiente qui souffre de polyradiculonévrite inflammatoire chronique affirme que la situation chaotique du pays aggrave sa maladie. « Ma maladie a rendu invalide ma partie inférieure, et si cela continue, elle attaquera la moelle épinière et provoquera une paralysie totale Les médicaments dont j’ai besoin sont inaccessibles et ne sont pas fabriqués en Haïti. Mon docteur m’avait dit que la solution à ma maladie c’est de quitter le pays », souligne la trentenaire au journal Le Nouvelliste.
Parmi les centres hospitaliers qui ne sont pas déclarés « non fonctionnels », certains ne reçoivent pas de nouveaux patients, une dizaine sont inaccessibles, d'autres ont mis en place un roulement d'urgence. « Nous ne recevons pas beaucoup de cas comparativement aux autres mois. Nous pensons que les femmes enceintes ont du mal à se déplacer d'un endroit à un autre. Les professionnels de santé ont aussi des difficultés, nous sommes actuellement dans un roulement spécial pour éviter à tout le monde de se déplacer tous les jours », a confié un résident au service d'obstétrique et de gynécologie de l'hôpital universitaire de la Paix, ne cachant pas son inquiétude par rapport à l'éventualité d'une dégradation de la situation jusqu'à Delmas 33 où il travaille.
« Dans certains hôpitaux du pays, les responsables sont obligés de limiter le nombre de malades qu’ils reçoivent par jour à cause du manque criant d’intrants auquel ils sont confrontés. Mais nous à l’Hôpital universitaire la Paix, nous fonctionnons avec les moyens du bord. Nous sommes surchargés au niveau de tous nos services. N’en parlons pas de l’urgence. Notre personnel de soins, médecins, infirmières, laborantins, radiologistes entre autres, ont toutes les difficultés du monde pour venir travailler. Néanmoins, l’administration de l’HUP a dû mettre en place une stratégie de secours. Des professionnels de la santé font le sacrifice de travailler chaque jour 24/24. Notre plus grand problème reste et demeure le manque d’intrants qui nous empêche de prodiguer des soins aux malades », a fait savoir l’infirmière Tayna Vilsaint, ajoutant que la situation est catastrophique à l’Hôpital universitaire la Paix qui ne peut malheureusement pas prendre en charge tous les malades en raison du nombre limité de lits.
Depuis le 29 février 2024, date à laquelle les gangs armés ont soumis le pays à une démonstration de force sans précédent, le système de santé en Haïti fonctionne au rabais. Fermeture totale ou restriction d’activités, les hôpitaux sont, comme toutes les institutions du pays, ciblés par la violence exacerbée des bandits. En silence, des personnes malades meurent faute de soins. Tout compte fait, l’espérance de vie a considérablement chuté, dans ce pays qui donne de plus en plus l’impression d’être abonné aux grands malheurs.
GA/ HPN
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