Sous la direction de Latin American and Caribbean working group de Nova Southeastern University, du Mouvement Reconocido, de We are all dominican, de Rice University Center for African and African American Studies and the International Center for Leadership and Conflict Studies, Dr Amarilys Estrella, Ana Maria Belique, Maribel Fede et Dr Ernst Pierre Vincent, ont abordé vendredi dernier, la question de l'apatridie en République dominicaine.
Un sujet toujours d'actualité par rapport à la mise en oeuvre de la loi 168-13. Selon l'un des panélistes, Dr Ernst Pierre Vincent, qui intervenait par visio-conférence, le jugement 168-13, est à la base de la crise de l’apatridie en République Dominicaine, ‘‘La Sentencia’’, a divisé la population touchée en deux groupes : A et B, a souligné l'intervenant principal, Dr Vincent. Le groupe A est composé de dominicains d’origine haïtienne nés en République dominicaine qui avaient été, avant le jugement, inscrit au registre de l’état civil de la République dominicaine, le deuxième groupe est composé des non déclarés, ceux qui sont nés dans le pays mais n’avaient pas la citoyenneté ou le document d’identité nationale pour prouver leur citoyenneté, a-t-il fait remarquer.
« Adoptée en violation des lois internationales sur la citoyenneté et de la constitution dominicaine, la loi 168-13, appliquée en même temps que le plan créé pour les étrangers, a aggravé la situation des dominicains d’origine haïtienne dans ce groupe », a déclaré Ernst Pierre Vincent.
Dans son intervention, Dr Vincent a pris le soin d'expliquer que ceux qui ont demandé la procédure de naturalisation sont privés de leur citoyenneté dominicaine, étant donné qu’ils ont abdiqué à leur nationalité constitutionnellement, accordée en s’inscrivant à la procédure de naturalisation.
Le terme apatride désigne une personne qu’aucun État ne considère comme son ressortissant par application de sa législation. Il faut comprendre qu’à l’heure actuelle, en République dominicaine, se trouvent plusieurs générations d’individus d’ascendance haïtienne – enfants, petits-enfants et même arrière-petits-enfants nés en République dominicaine – à qui on vient de dire qu’ils ne sont pas citoyens, ce qui signifie qu’ils ne peuvent pas avoir de passeport ni de téléphone portable parce qu’ils n’ont pas de numéro d’identité.
A date, seuls 27 000 des 61 000 citoyens identifiés dans l’audit de l’état civil dominicain sont éligibles et ont eu droit de récupérer leurs papiers de citoyenneté dominicaine’’, a précisé le chercheur Ernst Pierre Vincent.
En ce qui a trait aux personnes du groupe A, a-t-il indiqué, la loi 169-14, a fourni une solution partielle mais non durable au problème de la citoyenneté en République Dominicaine.
‘‘Cette solution partielle est attestée par le fait qu’un grand pourcentage des victimes du groupe A n’ont pas encore reçu leurs documents d’acte de naissance ou leur carte d’identité nationale et parce que même ceux dont les documents de citoyenneté ont été restaurés ont eu des difficultés à renouveler leur carte d’identité et à enregistrer leurs nouveau-nés’’, a-t-il déclaré.
De 1929 à 2010, selon la constitution en vigueur à cette époque, la République dominicaine était sous le régime du ‘‘jus soli’’ (droit du sol). Elle a l’obligation de ne pas élaborer de loi et de ne pas la mettre en œuvre sans tenir compte de son système constitutionnel et de ses obligations internationales en matière de nationalité, a soutenu Vincent.
Pour la sociologue et activiste, Ana Maria Belique, d'origine haïtienne, qui a analysé le contexte du jugement 168-13 et de la loi 169-14, la migration haïtienne vers la République dominicaine a apporté de grands avantages économiques au pays, en particulier pendant le boom de l’industrie sucrière, mais elle a également laissé leurs descendants qui, de diverses manières, ont contribué au développement du pays.
Elle a souligné qu’un processus de dénationalisation est établi où non seulement les personnes nées de migrants irréguliers sont empêchées de s’enregistrer en tant que dominicains, mais aussi ceux qui possédaient des certificats de naissance et des pièces d’identité ont vu leur délivrance annulée ou suspendue. Selon la panéliste, Mme Belique, la réalité actuelle des dominicains d’origine haïtienne après la peine 168-13 et la loi 169-14, est que le processus de restitution des documents des personnes qui avaient déjà un dossier n’a pas été entièrement effectif, puisqu’aujourd’hui, 9 ans après la loi 169-14, il y a encore des personnes dont le dossier n’a pas été audité, ils n’ont donc pas pu accéder à leurs actes de naissance ou à leurs cartes d’identité.’’
Dr. Amarilys Estrella, une autre paneliste, dans sa courte intervention encourage les participants à rejoindre le mouvement de solidarité transnational pour changer la situation des Dominicains d’origine haïtienne en République Dominicaine.
Elle a suggéré un ensemble d’actions à entreprendre pour faire pression sur les autorités dominicaines, notamment s’informer sur ce qui se passe de nos jours en République dominicaine, de ce que les organisations de la République dominicaine partagent dans les médias et sur les sites Web.
Yves Paul LEANDRE
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