Le slogan qui fait rage sur les réseaux sociaux depuis ces dernières semaines montrent une réelle crise dans ce pays malgré les appels lancés par les autorités : « Lekol pa ka tann » (L’école ne peut plus attendre). Ce slogan du ministre de l’Education nationale Nesmy Manigat, qui au départ faisait recette, est devenu l’image du fiasco du gouvernement du Dr Ariel Henry qui est obligé d’appeler « ô Secours » la communauté Internationale pour reprendre le contrôle du pays. Un appel jugé insensé alors que deux semaines avant, le ministre des affaires Etrangères Jean Victor Généus avait indiqué devant le Conseil de sécurité des nations unies que tout était globalement sous contrôle à Port-au-Prince.
De toute évidence, la crise du carburant persiste, les hommes armés imposent leur loi. Dans ce contexte, l’école est obligée d’attendre avec près de quatre millions d’élèves bloqués chez eux malgré le communiqué du gouvernement indiquant la réouverture des Classes depuis le 3 Octobre dernier. Mais l’échec du gouvernement pour cette rentrée scolaire ne vient pas de la crise qui secoue le pays actuellement, c’est un processus qui a abouti à ce chaos social.
Les raisons sont nombreuses et diverses. Elles sont d’ordre politique, économique mais encore sociale. Nos dirigeants croient davantage aux solutions faciles prenant trop à la légère les crises qui surviennent en offrant des palliatifs. Ils savent tous que des aspirines ne peuvent guérir du cancer. Après le départ de Jean Claude Duvalier du pouvoir, le pays a connu une certaine « Explosion démocratique » et c’est le général Henry Namphy qui illustrait bien cette parole l’appelant « Bamboche démocratique » après le coup de force contre le président Lesly Manigat en 1988. Les partis politiques se sont multipliés sans jamais proposer un projet de société au peuple haïtien. Nous avons connu de grands leaders politiques notamment, Lesly Francois Manigat, Marc Bazin, Gerard Pierre Charles, Hubert Deronceray, Pasteur Sylvio Claude, Dr Turnep Delpe, Serge Gilles, René Théodore etc. Mais ils n’ont rien pu faire pour remettre le pays sur les rails du développement.
Aujourd’hui, la question doit être posée sur les véritables raisons de cette déchéance sociale et politique. Est-ce que les Etrangers et les missions diplomatiques sont les vraies causes ? Peut être la cause occasionnelle. Charles de Gaulle déclarait : « La France ne peut être la France sans la Grandeur ». Une parole que nos ancêtres avaient vaillamment illustrée avant la bataille de Vertières en Novembre 1803. Dessalines avait réuni tous les généraux en leur faisant comprendre que l’avenir de notre nation résidait dans l’Unité, la communication mais encore la Grandeur.
Les Partis politiques se sont multipliés mais sans s’assoir réellement pour discuter d’un projet commun malgré la diversité des idées. Les Etats Unis l’ont fait après leur indépendance en 1776. Avec des difficultés certes, mais ils y sont quand même parvenus. Dr Turnep Delpé a prêché cet évangile jusqu’à sa mort, mais il n’avait jamais trouvé preneur. Qu’est ce qui s’est passé avec des leaders aussi brillants pour ne pas entendre la voix de cet humble médecin reconverti à la politique ? Des hommes qui ont étudié Marx, Goebels, Adam Smith, John Stuart Mill et tant d’autres théoriciens politiques.
Aujourd’hui, nous vivons dans un pays sans projet parce que nos actions relevaient de l’imaginaire et de l’improvisation. Nous avons improvisé avec le prêtre de St Jean Bosco Jean Bertrand Aristide. Il fallait trouver une voix pour stopper Marc Bazin. Nous l’avons fait. Et Après ? Nous avons improvisé avec l’agronome René Préval qui n’a pas caché son appartenance à la gauche mais une fois au pouvoir s’est fait l’apôtre du libéralisme en privatisant la majorité des entreprises publiques. Donc une politique orientée vers la droite. Encore de l’improvisation. Après l’Agronome Président nous nous sommes fourrés dans une autre improvisation avec le chanteur atypique Michel Martelly pensant qu’il pouvait changer les choses ; les résultats sont encore pires. L’homme arrivé, endetté, au pouvoir au bout de quelques années s’est refait une santé économique sans précédente. Et la dernière improvisation, nous la connaissons tous et nous savons la fin de l’histoire.
Le pays est aujourd’hui gangstérisé. Aucune politique n’a été mise en place pour combattre le chômage, pour raviver la production agricole, pour renforcer une Education objective avec des idées claires sur la formation des techniciens dont le pays a besoin pour son développement. Cette initiative est laissée aux familles qui souvent elles aussi improvisent puisqu’aucune structure n’est préparée pour faciliter la prise en charge effective de nos étudiants.
Les mêmes pratiques ont continué à tous les niveaux : Ecole à double vitesse, aucune réaction réelle pour l’insertion des jeunes. L’Etat reste le grand pourvoyeur d’emplois, les « hommes d’affaires » financent les partis politiques ou des personnalités politiques avec bien sûr l’assurance qu’ils ou qu’elles passeront à la caisse une fois élu(es).
Les choses ont fonctionné pendant plus de 35 ans de cette manière et à chaque fois qu’il y avait une tentative de dérogation, un coup d’Etat survenait accompagné d’assassinats crapuleux. Payé par des hommes économiquement forts et qui s’assuraient que personne ne venait déranger le statu quo. Les résultats sont visibles : des millions de dollars partis en fumée aucun projet sérieux pour relancer l’économie et refaire la structure sociale. Le fossé entre riches et pauvres s’est aggravé, des millions de jeunes sont passés sur les bancs de l’école pour ensuite grossir le lot des chômeurs. Seul un petit groupe a pu s’en sortir mais à force de gros sacrifices.
Les causes de notre véritable déclin résident à coup sûr dans notre refus de se mettre ensemble et penser un projet commun pour mettre ce pays sur la route du développement. Nos « hommes d’affaires » pensent profits sans penser pays. Nos Politiques pensent pouvoir sans penser à structurer l’Etat pour mieux servir la communauté. Notre Société appuie les yeux fermés les actes de corruptions avec le slogan « Plumen poul la pa kite li rele ». Aujourd’hui, les résultats sont visibles : Des jeunes qui devraient être sur les bancs de l’école ou à l’université, ont une arme de guerre à la main s’entretuant pour quelques poignées de dollars. Triste réalité !
« Devant la confusion des âmes françaises, devant la liquéfaction d’un gouvernement tombé sous la servitude ennemie, devant l’impossibilité de faire jouer nos institutions, moi, général de Gaulle, soldat et chef français, j’ai conscience de parler au nom de la France. » Aujourd’hui quelle voie s’élèvera pour parler au nom d’Haïti dans cette grande confusion qui nous laisse entrevoir la fin avant le commencement. Si la réponse n’arrive pas dans les prochaines heures, Haïti va droit vers le déclin des déclins !
Eddy Trofort
HPN
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