La date du 30 Septembre 2024 marquera 33 ans depuis que le Président Jean Bertrand Aristide a été renversé du pouvoir par un coup d’Etat sanglant le 30 Septembre 1991. Celui qui a remporté haut la main les élections de décembre 1990, sous l’instigation de l’officier Michel François, un militaire au passé douteux, a été arrêté et conduit au Grand quartier général sous une pluie de balles. A son arrivée, le General Raoul Cédras, Chef de l’Armée, le reçoit en lui signifiant qu’il est le nouveau Président de la République.
Nous sommes aujourd’hui, le lundi 30 Septembre 2024, en pleine remémoration d’une partie tragique de notre histoire : Le Coup d’état sanglant du 30 septembre 1991 contre Jean Bertrand Aristide. Le prêtre qui incarnait l’Espoir de tout un peuple appelé le curé de St Jean Bosco, une église située dans un quartier populaire de Port-au-Prince, est brutalement renversé. Plusieurs milliers de personnes suite aux rumeurs de ce coup de force, gagnent les rues pour protester contre les militaires putschistes. Les blindés contrôlés par le colonel Michel François sortent dans les rues et ouvrent le feu sur les manifestants tuant plusieurs milliers de gens. Certains évoquent dans la Presse plus de 5 000 morts. Un Massacre !
Ce coup d’état des militaires est financé par une grande partie de l’élite économique du pays et récupéré plus tard par la CIA avec comme homme de terrain « Raoul Cédras », le nouvel homme fort. Le General qui est aujourd’hui âgé de 74 ans, est originaire d’une famille de Mulâtre de Jérémie dans la Grand Anse du pays. Il a été choisi par le Président Aristide pour diriger les Forces armées après son élection à une majorité écrasante des élections de 1990. Cédras, quelques heures avant le Coup d’état s’était entretenu pendant plusieurs heures avec le Chef de l’Etat qui voulait tester sa loyauté envers lui. Mais en vain, car les militaires ayant à leur tête Michel François avaient déjà tout mis en place pour renverser Aristide du pouvoir.
L’un des officiers loyaux à Aristide Fritz Pierre-Louis dont un Lycée porte aujourd’hui son nom, est assassiné lors de ce coup d’état. Quelques heures plus tard, Aristide est conduit à l’Aéroport international Toussaint Louverture en direction du Venezuela qui accepte de le recevoir. La Mission du Général Cédras est donc remplie car il devait assurer le départ du Président en toute sécurité.
Les Erreurs d’Aristide
Les historiens de cette tranche d’histoire d’Haïti retiennent deux erreurs fatales d’Aristide : La Volonté de faire des réformes rapidement au sein de l’Armée malgré la mise en garde du General Hérard Abraham et le mouvement du Corps des engins lourds du Palais National vers l’Académie militaire.
Les putschistes savent pour réussir un tel coup, il faut prendre le contrôle de ces engins avec notamment les blindés. Michel François a immédiatement pris le contrôle de ces armes stratégiques. Si ces matériels étaient restés au Palais Présidentiel, peut-être les putschistes n’en auraient pas accès, mais c’était la volonté du chef de l’Etat de s’en défaire car, selon lui, ils représentaient trop de menaces pour la Présidence.
La deuxième erreur d’Aristide c’est la volonté de réformer rapidement un corps complexe que représentent les forces armées avec une ramification très diversifiée rapprochant des familles du plus haut gradé au simple soldat. Dès lors, toucher à un membre de ce corps c’est soulever d’autres membres de la famille. Une vérité que le General Herard Abraham lui avait expliquée avec force et détail pour éviter une rébellion généralisée au sein de l’Armée. Aristide ne l’avait pas compris et lors de son discours de sa prise de fonction, il annonce de manière spectaculaire la mise à l’écart de certains officiers jugés trop vieux.
Il faut encore creuser
Les erreurs commises par le Chef de l’Etat ne peuvent expliquer à elles-seules ce sanglant coup d’Etat contre celui qui prêchait la Théologie de libération et se faire l’apôtre des sans-voix et des déshérités de la population pauvre. Il faut encore creuser pour comprendre que le Président Aristide était haï d’une grande partie de la bourgeoisie et de la classe possédante qui voyait en lui un grand danger. Pour cette catégorie, le Prêtre soulevait la masse des va-nu-pieds contre l’élite économique qui possède plus de 80% des richesses du pays. Certains bourgeois et hommes d’affaires ayant embrassé la cause du curé de St Jean Bosco comme les frères Izmery, ont été assassinés par la milice paramilitaire FRAPH de Toto Constant travaillant au profit de ce secteur.
D’autant plus, des militaires des FAD’H ont reçu de fortes sommes d’argent pour mener ce coup contre Jean Bertrand Aristide qui s’était échappé d’une tentative d’assassinat à l’Eglise de St Jean Bosco quelques années avant. Il faut aussi comprendre que l’Administration américaine ne supportait pas les adhérents à la Théologie de Libération très en vogue dans l’Amérique Latine. Cette tendance de gauche était considérée comme une idéologie dangereuse contre l’expansion de la démocratie dans cette région. Il fallait éviter une deuxième révolution à la Cuba dans cet hémisphère. Le seul doute exprimé par les américains a été l’inconnu Michel François, non inscrit sur la liste de la CIA.
Que faut-il retenir de cette tranche d’histoire ?
Certains répondraient que l’Armée a été dissoute et donnant naissance à une force de Police qui n’a pas su répondre aux problèmes de sécurité facilitant la pullulation des gangs armés qui détruisent ce qui reste des infrastructures de Port-au-Prince mais encore des ressources humaines. Des milliers de professionnels sont forcés de laisser le Pays pour trouver une vie plus tranquille vers d’autres régions du monde offrant des opportunités. Malgré les tentatives pour rétablir la sécurité, les gangs contrôlent encore plus de 80% de la Capitale.
L’élection d’Aristide au pouvoir en 1990 avait ouvert la voie à de nombreuses opportunités que le pays n’a pas saisi. Des tentatives ont été faites pour mettre autour d’une table les protagonistes afin de discuter des affaires du pays. Mais sans succès car des mains non visibles jouaient de part et d’autre pour empêcher ces débats. Des opportunités perdues qui ont donné droit à des électeurs stupides d’élire haut la main Michel Martelly à la tête du pays. La pire des catastrophes qui est arrivée à ce pays.
Aujourd’hui, l’une des plus belles tranches d’histoire du Pays est menacée. Sommes-nous prêts à accepter une telle mésaventure ? Sommes-nous prêts à assassiner et détruire les efforts héroïques de nos ancêtres pour nous léguer cet héritage et nous forger cette nation ? Lancer le dialogue National ou la conférence générale avec la participation de toutes les entités de la société est plus qu’un impératif. Le Président Edgard Leblanc a donné le ton à la tribune des nations-Unies. A nous de faire du 7 février 2026 une nouvelle tranche d’histoire de rêve et d’Espoir pour le Peuple haitien.
Eddy Trofort
Rédacteur en Chef
HPN
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